Jameel Na’im X – Fidel’s Favorite Color



On se croirait en train d’écouter quelqu’un parler dans le fond d’un bar enfumé. L’atmosphère, chargée d’humidité et de torpeur, est de celles que seule la Louisiane sait produire. Sur la scène, de l’autre côté de la pièce, un orchestre improvise des mesures de jazz. Il faut parfois tendre l’oreille pour entendre celui qui nous raconte, tant sa voix est parfois noyée par d’autres.

Si Fidel’s Favorite Color 2 est une collection de morceaux profondément personnels, et qu’il n’y a pas de featurings, Jameel Na’im X n’y est pourtant pas seul . Les productions raffinées sur lesquelles il promène son flow à la nonchalance trompeuse sont entremêlées d’autres voix, qui s’embrouillent, qui chantent, qui se coupent la parole. Des voix distordues, déformées, comme un choeur de poivrots et de fantômes qui entoure un homme suspendu quelque part entre ses ancêtres et ses descendants (« I just looked my daughter in the eye and seen my ancestors »).

Le propos est trop dense, complexe et chargé de sens pour que je m’aventure à tenter de résumer ce qu’il raconte de lui, de son passé et de son environnement sur ce disque après une seule écoute seulement. Avant de pouvoir avoir une vision d’ensemble, on retient certaines images vives, qui sautent à l’esprit. Il parle de sa foi en Allah, des épreuves face auxquelles le hood l’a plongé, et de tout ce qu’il aurait pu devenir : astronaute ou CEO de Rap-A-Lot

Jameel Na’ïm X fascine par l’impression de profondeur que dégage son rap. On a l’impression, à la première écoute, de tremper un pied dans un lac dont on serait encore bien en peine d’apercevoir le fond. Le tout sans pour autant sembler trop didactique ou trop sérieux : le MC parvient à donner cette impression qu’il laisse l’inspiration le traverser et s’exprimer à travers lui sans qu’il aie à faire d’effort (« I just caught a vibe, had to tell my n**** roll some ».). L’impression ne peut qu’être trompeuse : on n’a pas cette virtuosité verbale qui tutoie celle d’un Q-Tip (Repose en paix), on ne dégage pas cette aura de sagesse frappée sur l’enclume du hood, sans avoir travaillé son art pendant de longues années.

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