Juicy J – Blue Dream & Lean

La vidéo de Mugen, qui m’a poussé à remttre cette tape sur ma liste à écouter, me l’a rappelé : je mets les pieds chez un tonton du rap sudiste – et du rap US tout court, d’ailleurs. Juicy J est aujourd’hui ultra respecté, oscarisé, reconnu par toustes comme un patron du rap de Memphis. Mais si j’ai entendu les classiques de la Three 6 et certains de ses projets depuis 2010 (le dernier est une bastos, foncez si vous l’avez pas encore entendu), je connais mal le début de sa carrière solo : quelque part, dans Blue Dream and Lean je cherche le chaînon manquant entre le jeune membre de la famille royale de Memphis et le padre qui réunit les petits jeunes autour de lui sur The Hustle Continues

Par souci du détail, plutôt que de rester sur Spotify, je suis allé sur DatPiff pour la première fois depuis au moins un an pour y récupérer un bon vieux .rar. Je ne sais pas si ça va changer quelque chose ou si c’est juste pour faire le puriste, mais en tout cas je suis content que le site soit toujours en ligne et qu’on puisse toujours y trouver la tape même si elle est maintenant disponible sur les plateformes.

La galère actuelle pèse aussi forcément sur mon écoute : bizarre de se lancer une tape qui va forcément sentir les effluves de blunt et de Hennessy dans les canapés en cuir rouge d’un strip club alors que dehors, le mieux qu’on puisse espérer en termes de turn-up c’est une canette et un pétard l’aprèm sur la plage avec deux potes.

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Un lighter flick, DJ Scream qui me crie dans les oreilles, un « SHUT THE FUCK UPPP » : tout ce qui a fait la légende de Juicy J est là dès les premières secondes de l’intro qui ouvre une heure vingt de party anthems.

Blue Dream & Lean est une célébration d’une vie passée à baiser, à s’exploser et à faire de l’argent. La drogue nourrit ce lifestyle, et infuse la musique qui en jaillit. Il le rappelle quand il rappe « I sayed I was gon’quit, I just relapsed », ou « You say no to drugs, Juicy J can’t » – le même gimmick qui retournera jusqu’aux frat parties des gosses de richesquand il le replacera dans Bandz a Make Her Dance sur le deuxième volume. Il s’agit toujours d’aller plus haut, de se défoncer plus, de faire la fête plus intensément, d’exister plus fort.

Juicy J déboule dans le club liasses à la main, diamants autour du cou, flingue bien calé dans la ceinture Gucci pour arroser toute la salle de drogue. Il ne s’excuse pas de prendre toute la place, et il n’a pas à faire d’effort pour chercher à capter l’attention de l’auditeurice, il sait que tu vas de toute façon finir par scander le refrain. C’est juste trop putain de fun, impossible d’écouter ça assis, de se retenir de hocher la tête avec un grand sourire ou de frapper un pas de danse.

La tape semble avoir été composée toute entière dans un bolide lancé à toute allure sur la route du club au studio et qui aurait la weed et le cash pour carburant. La voix dans qui m’engueule dans « Cash (Interlude) » me le rappelle : il faut de la maille pour vivre une vie aussi rapide, et il faut en faire par tous les moyens. Juicy J ne sera jamais suffisamment explosé pour perdre son hustle, et il a retenu la leçon du succès de Mike Jones : il n’oublie pas de nous rappeler d’aller le suivre sur Twitter et d’aller acheter son merch.

L’aspect dangereux qu’un Young Dolph, par exemple, mettra au cœur de sa musique, reste ici en arrière-plan, comme une sourde menace lovée sous le personnage trippy qui occupe le devant de la scène, qui ne ressort vraiment à la surface que quand dans les featurings avec Project Pat. Plus question alors de menaces voilées, les intentions sont claires : « All my n***** ride with guns, and they will kill you ». Le traitement qu’il réserve aux poucaves sur « Ain’t Allowed Where I’m From » rappelle que Juicy J vient de l’horrorcore et qu’il n’hésitera pas à couper quelques langues.

Je me reprends « U Trippy Mane » et le couplet de Kreayshawn que j’avais pas entendue depuis des années. J’ai des flashes d’apparts où l’odeur de la weed avait imprégné chaque centimètre carré de tapisserie et de retours à la maison en titubant sous le soleil levant. Ça me ramène à des temps plus simples où on pouvait lâcher le mot « swag » en ad-lib toutes les mesures et être assez insouciant pour écouter Wiz Khalifa.

C’est la méga fournaise, à certains moments je commence presque à fatiguer, mais à chaque fois les roulements de hi-hat et les ad-libs vociférés me remettent dedans comme un rail de coke te remet dans la fête. Faut rester trippy,, et surtout jamais dormir. Je suis là à écrire mais écouter ça me rappelle que je devrais être dehors à faire du biff ou à m’exploser jusqu’à ce que mes névroses se soient dissoutes dans la lean et qu’il ne reste plus que ces 808 monumentales et ces refrains répétés jusqu’à la transe.

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